Les origines de Joigny (IIe-Xe siècle).

 

Joigny an mille.

 

Dans l’inconscient populaire local, Joigny est née en 996 avec l’édification d’une place fortifiée par le comte de Sens, Raynard-le-Vieux. Issue de cette croyance, en 1996, la municipalité d’alors avait décidé de faire de cette date l’année du millénaire de Joigny en proposant de nombreuses manifestations. Pourtant des découvertes archéologiques et des études historiques préexistantes auraient dû démontrer qu’il n’en était rien. En effet, l’origine de Joigny est antérieure au Xe siècle. Si la place forte fut édifiée au Xe siècle, ceci n’est plus à démontrer, l’occupation humaine avant cette date est prouvée pour la première fois, par Edme-Louis Davier.

 

L’époque gallo-romaine. Le cimetière antique de Mouchette, 1ère datation.

 

En effet, Louis Davier dans son « Histoire de la Ville et du Comté de Joigny » en 1723, nous apprenait qu’un pot contenant des monnaies du Bas-Empire romain avait été découvert dans les vignes situées sur la Côte Saint-Jacques en 1711. La période du Bas-Empire se situe entre le IIe et le IIIe siècle. Nous ne savons pas ce que sont devenues ces monnaies[1].

L’existence de Joigny et l’origine de son nom (Joviniacum, Jovinium, etc.) a occasionné de nombreux débats parmi les savants et les érudits. Il est inutile d’y revenir en détail ici. Ce qu’il faut retenir c’est la preuve de l’existence de la présence humaine au quatrième siècle après Jésus Christ, conséquemment à la découverte de tombes gallo-romaines en février 1819 au lieudit Mouchette, qui fut confirmé par des fouilles archéologiques menées en mars 1820. C’était l’avis d’Augustin Pérille-Courcelle, premier bibliothécaire-archiviste de Joigny et chroniqueur local, en 1837[2]. Dans ses notes manuscrites, nous trouvons le rapport au Sous-préfet des fouilles, ainsi qu’un plan des lieux. La réponse du Préfet suite à ce rapport est aussi archivée dans la collection du fonds des manuscrits de la médiathèque.

 

 

[1] Lors de l’occupation de Joigny par les Prussiens en novembre 1870, la collection de monnaies anciennes du musée avait été pillée.

[2] Notice historique sur le Comté et la Ville de Joigny, Annuaire historique de l’Yonne, 1837.

La voie romaine passant à Joigny.
La voie romaine passant à Joigny.

L’époque romaine.

 

Il est vrai que les sources historiques sont peu nombreuses et souvent en latin. Parmi les savants, on fait souvent référence à la table dite de Peutinger qui serait une copie de cartes de l’époque qui nous intéresse présentement. La lecture n’est pas aisée, mais il faut se replacer à cette période des IIIe et IVe siècles. La précision des cartes ou des plans que nous avons aujourd’hui n’a rien de comparable avec ce qui avait été fait auparavant. Nous avons eu la chance qu’au XIXe siècle, Victor Petit, fit paraitre une carte de la Voie Romaine s’accordant avec les connaissances géographiques de l’époque et qui permet aujourd’hui de mieux nous éclairer. Initialement, cette carte ne présentait pas Joigny. La Voie Romaine passait à environ 2 kilomètres du centre-ville actuel sur le côté gauche de la rivière Yonne.

De nouvelles fouilles au cimetière de Mouchette.

Nouvelle datation.

 

Des fouilles postérieures eurent lieu ensuite en 1927, au cimetière antique de Mouchette, presque un siècle après les premières. Celles-ci furent dirigées par Augusta Huré (1870-1953), voir ci-contre, puis publiées par elle dans le Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne en 1929. Augusta Huré fut la première femme conservatrice de musées en France et exerça dans ceux de Sens. Elle écrivit des articles et des ouvrages principalement sur la période gallo-romaine dans le Sénonais. 

 

Le cimetière antique de Mouchette se présentait comme une terrasse située au croisement des chemins de la Collinière et de la Voie Grasse. Les fouilles furent exécutées sur les deux tiers de la superficie comprenant environ 12 ares. Elles débutèrent le 10 mars 1820 et finirent le 23 au soir et permirent de mettre à jour au total 137 sépultures. Différentes sortes d’objets furent trouvés dont un certain nombre étaient conservés au musée de Joigny (ancien hôtel de ville). La datation de la période historique fut large. En effet, MM. Thibaut et Lallier qui menèrent les premières fouilles, estimaient qu’elle se situait entre le IVe et Xe siècle.

 

En 1927, l’avis de Madame Huré était que nous nous trouvions en présence d’un cimetière romain. Elle data les fosses au IIIe siècle de notre ère. Elle précisa aussi que la qualité des poteries trouvées démontrait une période florissante. Assurément une agglomération urbaine se tenait à proximité. Cependant, du temps des romains, les cimetières se trouvaient toujours à la périphérie des habitations et jamais dans les cités. On peut supposer que les habitations n’étaient pas autour du cimetière antique.

 

Joigny romaine.

 

En étudiant la lignée des comtes de Joinville pour une étude historique du comté de Joigny, j’ai découvert que l’étymologie venait du nom de Jovin ou Jovinus. Cette même étymologie avait aussi été retenue par des savants du département pour celle de Joigny.

Il s’agit du général romain d’origine gauloise converti au Christianisme, Flavius Valerius Jovinum, dont le nom fut francisé en Flavius Jovin, puis Jovin. Né à Reims vers 310 et mort en 370, il fut inhumé dans la même ville dans un sarcophage en l’église Saint-Agricole et Saint-Vital qu’il fit construire. Ce sarcophage est exposé aujourd’hui dans le musée archéologique Saint-Rémi de Reims.

Flavius Jovin (Circa 310-370).
Flavius Jovin (Circa 310-370).

 

Selon Mme Huré, il y eut beaucoup de personnages qui portèrent ce nom. Si les fosses du cimetière antique de Mouchette sont datées du IIIe siècle et que nous avons affaire à une société prospère, cette hypothèse ne tient plus. De plus, ni Ammien Marcellin, militaire historien qui était en Gaule en 353, ni le général Jovin, n’ont mentionné Joigny. D’ailleurs, aucun texte de l’antiquité ne la nomme. Que ce soient les Commentaires de Jules César ou encore, les Itinéraires d’Antonin et la Table de Peutinger comme nous le disions plus haut. Il en résulte que le Joigny des premiers temps (Jauniacum ou Jauniacus) n’a pas eu d’autre nom. En 1080 le moine Clarius de Saint-Pierre-le-Vif est le premier à parler de Joigny désignée en tant que Jauviacum castrum.

 

L’origine de Joigny.

 

A l’époque romaine, la Gaule était partagée en domaines individuels (fundi). Ils étaient dirigés par des gaulois romanisés qui donnaient leur nom propre à leur propriété en ajoutant les suffixes « iacus » ou « acus ». Ainsi, on peut dire que le fundus Jauniacus n’est autre que le domaine de Jaunius qui donna par extension le nom à la ville de Joigny.

 

Il existait encore dans certains endroits de la forêt d’Othe, des ferriers, tas de scories témoins d’une industrie sidérurgique datant de la période romaine. De 1939 à 1946, l’abbé Bernard Lacroix fit des fouilles au lieudit « Haut le Pied » où il mit à jour des vestiges de thermes romains datant du IIe siècle, confirmant ainsi la prospérité de Joigny dès cette époque. Il y eut d’autres fouilles dans les années cinquante.

 

Pour conclure, les premiers habitants Gaulois ou Celtes étaient installés sur la rive gauche de la rivière Yonne. Des fouilles archéologiques[1] au lieudit « Les Noues d’Abandon » eurent lieu en 1978 et 1979 qui attestent la présence humaine à cet endroit vers 350 de notre ère. Cet habitat gallo-romain était situé à environ 100 mètres de l’ancienne Voie romaine.



[1] L’Echo de Joigny, N° 31.

Planche 27 de l'atlas de Trudaine. En haut à gauche les chemins de la Collinière et de la Voie Grasse où se situait le cimetière antique de Mouchette.
Planche 27 de l'atlas de Trudaine. En haut à gauche les chemins de la Collinière et de la Voie Grasse où se situait le cimetière antique de Mouchette.

INTRODUCTION

 

A ce jour, les travaux de savants et érudits ont engendré plusieurs filiations possibles pour le commencement de la lignée des comtes de Joigny. Quelques uns, rattachent le comté à d’autres que celui de Sens... La critique historique quant elle est bien menée, permet le plus souvent de venir rectifier certaines erreurs ou de palier à des manques. Mais l’on rencontre également des publications qui, au lieu d’éclairer le lecteur, ne font en définitive que semer le trouble et l’égarer. On remarquera souvent que ces analyses manquent d’objectivité et sont basées sur des à priori.

 

Contrairement à ce constat, l’histoire locale dépend étroitement des documents issus de la tradition chrétienne du Moyen-âge. Il serait stupide d’en écarter les sources sous prétexte qu’elles sont d’origines religieuses. D’autant plus, qu’elles sont souvent les uniques documents en notre possession. Bien entendu, le chercheur doit rester prudent, faire les recoupements nécessaires entre les diverses sources et rester neutre. Une erreur sur une date ou un nom mets à bas tout l’édifice. D’ailleurs, la généalogie qui nous intéresse comprend de très nombreuses répétitions de prénoms, donc sources potentielles d’erreurs ! Le peu de documents authentiques connus peut aussi facilement expliquer cette situation.

 

On découvre dans l’étude de l’Histoire, certaines zones d’ombres qui échappent subrepticement aux yeux des chercheurs. C’est le cas pour la période du haut moyen âge. L’histoire de Joigny ne déroge pas à la règle. En effet, une somme importante de documents fut perdue lors de l’incendie de Joigny en juillet 1530. D’autres vicissitudes de l’Histoire ont également grevé les collections de papiers, manuscrits, livres et autres parchemins…

 

La Révolution française elle aussi est passée par là avec ses confiscations. De nombreux livres et documents nationaux, après être séquestrés et mis en dépôts littéraires, furent confiés plus tard aux Archives départementales, dans lesquelles se trouvent encore aujourd’hui, de précieux documents patrimoniaux spoliés aux communes.

 

L’évolution constante des technologies et d’Internet, la mise en ligne régulière de nouvelles ressources numériques, permettent au chercheur d’avoir accès à des documents disséminés en différents endroits, jusque là difficiles à se procurer. Ainsi, ce moyen de diffusion permet de faire gagner un temps considérable pour les études. Toutefois, certaines ressources étant en latin ancien, sans une connaissance exacte de cette langue, elles resteront lettres mortes.

 

J’ai rencontré des contradictions dans les ressources consultées. J’ose espérer que le résultat sera le plus proche possible de la vérité historique. Cependant, ce travail reste ouvert attendant de nouveaux documents...

 

La première chronique ayant abordé le thème du présent travail fut celle de Philippe Delon, prévôt de Joigny au XVIIe siècle. Composée en grande partie en latin, cette courte notice comporte quelques erreurs de noms. Vint ensuite celui d’Edme-Louis Davier. Augustin Pérille-Courcelle, bibliothécaire-archiviste de Joigny, continua ses recherches en se basant sur ses publications. Pérille-Courcelle fut le premier chroniqueur jovinien à faire paraitre un article sur le sujet dans « L’annuaire statistique de l’Yonne » paru en 1837, sans toutefois établir une véritable annale détaillée.

 

Malheureusement, comme pour Philippe Delon, Louis Davier avait mal établi la lignée des premiers comtes de Joigny. On ne peut leur en tenir rigueur, l’information ne circulait pas comme à notre époque et les travaux de généalogie étaient encore difficiles d’accès. Pérille-Courcelle suivit Davier, faute de nouvelles ressources historiques et du manque de travaux complémentaires. Une autre erreur fut celle de l’étymologie du nom « Joigny ». Des chercheurs vinrent la rectifier par la suite.

 

L’abbé Carlier déplora l’insuffisance de travaux historiques sur Joigny et du manque d’érudits dans cette ville. Ambroise Challe vint plus tard avec de nouveaux éléments qui ont rectifié et enrichi le travail entamé par ses prédécesseurs. N’oublions pas l’immense travail de Maximilien Quantin, archiviste départemental, autant pour l’histoire du département de l’Yonne que pour celle de Joigny.

 

L’histoire du comté de Joigny est étroitement liée avec celle de Sens. En effet, c’est avec la fille de Rainard-le-Vieux que débute les dynasties du comté de Joigny. La cité maillotine faisait partie du comté du Sénonais. Rainard le Vieux n’est pas directement comte de Joigny, n’y ayant pas sa résidence, mais j’ai souhaité l’incorporer au début de la lignée afin que l’on puisse mieux se rendre compte de l’implication du comté du Sénonais dans l’histoire et la genèse de celui de Joigny.

 

On verra par la suite que la chronologie comtale basée sur les différents travaux effectués, n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. En effet, de nouvelles sources viennent bousculer l’arbre généalogique communément admis. L’histoire « officielle » indique qu’Etienne de Vaux était comte de Joigny. De récentes parutions tendent à prouver son contraire. J’ai conservé cette nouvelle lignée en excluant la branche de Joinville.

 

Ce modeste travail ne prétend pas être une étude exhaustive sur les comtes de Joigny. Ce qui est impossible pour la partie ancienne par manque de documents. En conséquence, pour les premiers comtes, on ne pourra pas établir de développements historiques, ni mettre en avant l’implication qu’ils ont pu avoir sur leurs terres.

 

On l’abordera plutôt comme une approche pratique permettant une meilleure compréhension sous la forme de notices historiques.

 

 

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